Le Journal
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Actualités, critiques, éditos et portraits du monde contemporain sous toutes ses facettes musicales, artistiques, médiatiques, sociétales, politiques et technologiques, afin de croquer le monde à travers le prisme du sonore et de la musique.
Au temps lointain du XVIIIe siècle, l’on se battait bruyemment, car il fallait choisir son camp entre l’opéra à la française très français, ou comme le voulait Rousseau, un opéra à la française très italianisé! Beaucoup plus tard, il fallut être Callas ou Tebaldi, plus tard encore, Beatles ou Rolling Stones ! Depuis hier où j’ai assisté, à Rochefort, au CinéConcert organisé par l’association Rochefort- sur- Toile au cinéma l’Appolo, je me demande, si je suis plutôt Chaplin ou Keaton ! Évidemment rien ne m’oblige à choisir, mais quelque chose en moi, ne peut s’empêcher de faire la comparaison après avoir visionné les films de ces deux grandes figures pionnières du cinéma. Évidemment, Chaplin est un génie, cela crève l’écran et l’on se rend compte à chaque retrouvailles, que l’on a incorporé, de tout éternité, ses jeux de visage inimitables, les faiblesses poétiques de son personnage, ses sourires défaits, son fol espoir d’amour, la mimique dansante de sa démarche…D’accord, mais Buster alors ? Remarquons, tout d’abord, qu’il s’est choisi un pseudonyme qui signifie aussi bien « pote » que « petit gars » ou « casse-cou » ou « briseur », et par extension « Ball -Buster » qui signifie casse-couilles ! Vous admettrez que cela ouvre des horizons, lesquels me font m’interroger sur moi-même, qui le préfère de beaucoup à Chaplin -:)) Il y a quelque chose dans cet homme, dans sa beauté impavide, dans cette résistance à tout ce qui l’agresse, quelque chose d’un stoïcisme assez admirable, car lorsque tout s’écroule autour de lui, lorsqu’il se retrouve couvert de goudron, de plumes ou de boue, en équilibre instable dans les airs, il garde cette même attitude d’impassibilité qui va bien au-delà de son surnom de : « L’homme qui ne sourit jamais». Alors, Buster disciple de Marc-Aurèle ? Je serais assez tentée de le croire, en tous les cas, je le regardais hier, entre admiration et effroi. Dieu merci, pour accompagner ses aventures dantesques de ces deux Princes du cinéma muet, il y avait hier soir un jazz joué en live par le Three Blind Mice, guitare, contrebasse, batterie qui, sous la houlette de Daniel Ivinec, nimbait l’ensemble d’une délicatesse de fines broderies qui soulignaient les traits, l’humour en rupture, les catastrophes, les courses folles de ces mondes entre déliquescence et effondrements, entre déclarations d’amour et coups portés, cela, sans jamais forcer le trait, sans effets faciles et pourtant, avec un swing parfait qui ne cédait jamais le pas, tout en épousant parfaitement l’esprit de ce qui se déroulait à l’écran. Cet exercice est un art, un art difficile, ce fut hier soir un art totalement abouti !
En effet, Ce choix de mêler le cinéma avec la musique live est souvent risqué, parfois vain, parasite, lorsqu’il ne fonctionne pas, car le spectateur est alors déchiré, en permanence, entre l’image et le son, l’ouïe et la vue. Hier soir, au contraire, Il y avait entre ces deux univers totalement différents, une osmose totalement réussie, qui les faisaient s’épouser l’un l’autre, nous séduisant sans reserves dans le même temps….